Réussir la COP24 pour mettre en oeuvre l’Accord de Paris
La Conférence sur le climat COP24, qui touche à sa fin à Katowice, en Pologne, doit déboucher sur un ensemble de règles techniques indispensables à la bonne mise en oeuvre de l’Accord de Paris. Un peu comme une série de décrets qui suivent la promulgation d’une loi, il s’agira de se mettre d’accord pour permettre de maintenir le réchauffement global à 2°C, voire 1,5°C.
L’enjeux de la COP24 est donc de permettre à l’Accord de Paris de s’appliquer pleinement, aussi bien pour atteindre les objectifs fixés en terme de limitation du réchauffement de la planète que dans la capacité des pays à répondre aux conséquences du changement climatique. Mais la mise en oeuvre n’est pas l’unique objectif.
L’Organisation météorologique mondiale (OMM) estime en effet qu’en l’état, la température risque d’augmenter de 3 à 5°C d’ici à la fin du siècle. Il est possible de prévoir que dans ce cas les effets pour la planète et pour notre quotidien seraient dévastateurs. Au-delà des règles d’application de l’Accord de Paris, la COP24 doit donc avancer sur la possibilité de rehausser les engagements des pays signataires.
Retrait des États-Unis, engagement de l’Europe
Cette COP24 se déroule aussi dans un contexte international particulier, avec notamment le retrait en 2017, suite à la décision de Donald Trump, des Etats-Unis de l’Accord de Paris.
En face, l’UE s’est engagée “à mettre en œuvre rapidement et pleinement l’accord de Paris sur le changement climatique, y compris ses objectifs en matière de financement de l’action climatique, et à jouer un rôle de premier plan dans la transition mondiale vers une énergie propre” et est résolue à élaborer, lors de la COP24, un ensemble solide et pleinement fonctionnel de règles découlant du programme de travail de l’accord de Paris.
La France, par la voix du ministre d’Etat, François de Rugy, a indiqué la nécessité de “tenir les objectifs de l’Accord de Paris et se donner les moyens de les atteindre. Il y a urgence à avancer, car nous vivons déjà les dégâts du dérèglement climatique”.
L’urgence est là pour plusieurs raisons. D’abord, comme le souligne la climatologue Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du groupe de travail sur les sciences du climat du GIEC, “chaque demi degré compte et chaque année compte”, il n’est donc pas encore trop tard pour agir et limiter ces impacts, mais plus on repousse la mise en oeuvre concrète à plus tard et plus les risques augmentent.
De leur côté, les délégués devront obligatoirement définir les règles et modalités avant la fin de l’année 2018. L’aspect financier est l’un des éléments clés. Les pays développés se sont ainsi engagés à porter à 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 les financements (publics et privés) des politiques climatiques des pays en développement.
Une grande part des obligations de financement déjà remplie
Les dernières données de l’OCDE montrent que les flux augmentent en passant de 37,9 milliards de dollars de financement public en 2013 à 54,5 milliards de dollars en 2017. A ces 54,5 milliards de dollars de financement public s’ajoutent environ 17 milliards de financement privé, sur les 100 milliards une importante part des obligations est donc déjà remplie.
Par ailleurs, c’est l’UE et la Banque mondiale qui font l’essentiel de la progression bilatérale, la Banque mondiale ayant par ailleurs déjà annoncé une enveloppe de 200 milliards de dollars pour son plan 2021-2025. S’il s’agit déjà d’un effort considérable, les pays du Sud réclament des engagements plus clairs du Nord.
Les approches économiques des accords climatiques internationaux reposent largement sur trois principes communs :
– le principe d’universalité (tous les pays doivent participer pour éviter le “passager clandestin”),
– le principe d’efficience (outils économiques cohérents avec un prix du carbone),
– le principe d’équité (répartition des efforts entre États).
Si ces principes sont indispensables à la réussite effective de l’accord, il s’agit également de points où des désaccords peuvent émerger, notamment concernant la répartition des efforts et l’universalité.
L’enjeu financier est également important car l’impact économique du changement climatique est de mieux en mieux calculé.
D’après l’ONU, les catastrophes liées au climat ont causé l’année dernière des dommages s’élevant à 320 milliards d’euros. Rien qu’au niveau des Etats-Unis, le récent rapport du National Climate Assessment, mandaté par le Congrès américain, indique que « d’ici le milieu de ce siècle, les pertes annuelles aux Etats-Unis liées au changement climatique pourraient atteindre des centaines de milliards de dollars, soit davantage que le produit intérieur brut (PIB) actuel de nombreux Etats américains. »
Si Donald Trump a répondu qu’il “ne croyait pas” à ce rapport, certains États américains et des sociétés privées le prennent au sérieux. Inversement, un autre rapport, celui de la Global Commission on the Economy and Climate souligne les bénéfices économiques possibles d’une action climatique ambitieuse. Ces bénéfices pourraient s’élever à 26 mille milliards de dollars d’ici 2030, créant 65 millions d’emplois bas carbone dans le monde.
L’enjeu social de la transition
A l’enjeu économique, s’ajoute l’enjeu social et celui de l’acceptation de la transition qui nécessitera forcément, au-delà des déclaration, des efforts qui impacteront les Etats et les vies quotidiennes de leurs habitants.
Comme déjà évoqué dans le billet sur la fiscalité écologique, ces efforts devront être accompagnés, notamment dans les pays les plus vulnérables qui devront aussi prendre leur part.
L’actualité, avec notamment les manifestations des “gilets jaunes” en France, a été reprise par le président du pays hôte, l’ultra conservateur Andrzej Duda, qui propose aux chefs d’Etat et de gouvernement réunis à Katowice pour la COP24 de soutenir son texte intitulé la « déclaration de Silésie pour la solidarité et la transition juste ».
Il ne faut toutefois pas oublier que la Pologne est un important émetteur de CO2 et produit 80% de son électricité grâce au charbon, il faut apprécier la déclaration du président polonais, issu de PiS, en tenant compte de cette réalité. La notion de justice est donc plus qu’importante, et la “transition juste” fait d’ailleurs déjà partie du texte de l’Accord de Paris. Mais veiller à la justice doit aller de paire avec une prise en compte de la possible utilisation politique de cet enjeu par le gouvernement polonais.
Dans ce contexte, les pays et les ONG qui réclament plus de justice peuvent se faire entendre, avec toutefois une nécessaire précision de cette notion car elle ne doit pas aller à l’encontre du cadre du droit international et de ses trois principes fondamentaux.