Publication dans la Revue Esprit : « L’héritage de la génération 1989 en question »

C’était donc il y a trente ans. Des images de liesse, des embrassades, Mstislav Rostropovitch jouant du violoncelle devant le Mur de Berlin en voie de démolition. Les sourires sur les visages de Václav Havel et Lech Wałęsa, ces figures de la « révolution de velours » que le grand public européen découvre tout juste. L’histoire était loin d’être finie, mais des peuples européens avaient réussi ce que, encore quelques années auparavant, personne n’imaginait être possible : faire chuter, pacifiquement dans la plupart des cas, l’une des pires dictatures du XXe siècle.

À la fin des années 1980 et au début des années 1990, les révolutions pacifiques ont dû leurs succès à une multitude d’acteurs, de circonstances et d’événements. Il est possible toutefois d’affirmer que les anciens dissidents – devenus leaders du mouvement puis dirigeants d’États -, comme Václav Havel et Lech Wałęsa, ont joué un rôle clé dans la chute des régimes et la période de transition, parfois difficile, des pays d’Europe centrale et orientale. Un passage de la dissidence au pouvoir qui était tout sauf une évidence. Bronisław Geremek, qui a joué un rôle clé dans les « négociations de la table ronde » en Pologne, décrit le sien très sobrement : « J’ai rendu service, voilà tout[1]. » Un sentiment partagé par de nombreux acteurs de l’époque, alors que la transition devenait possible notamment grâce au nouvel avenir européen qui s’ouvrait pour ces pays.

Comme le rappelle Jacques Rupnik, « dans l’euphorie de la sortie du totalitarisme, on se tourna naturellement vers l’Union européenne comme pourvoyeur de sens et d’espoir dans la nouvelle période historique qui commençait[2]. » Très vite après la chute du rideau de fer, les jeunes démocraties d’Europe centrale et orientale ont ainsi vécu dans l’attente. Après le « miracle du Rhin » et la réconciliation franco-allemande, il fallait accomplir le « miracle de l’Oder » pour achever la réunification européenne. Il y a quelques mois, Bogusław Stanisławski, ancien président d’Amnesty international Pologne et membre de Solidarność, me disait, à l’occasion d’une rencontre à Varsovie, que les deux moments les plus heureux de sa vie ont été la chute du régime communiste en 1989 et l’adhésion de son pays à l’Union européenne en 2004. Lui, qui avait vécu les atrocités de la guerre et la libération de Varsovie, parlait de ces moments de l’histoire comme des « vraies retrouvailles entre peuples européens ». Pour lui, comme pour beaucoup de militants démocrates de cette région, l’adhésion à l’Europe représentait un point de non-retour, une garantie contre les résurgences d’un sombre passé.

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